jeudi 15 août 2013

En France, un ingénieur a trouvé comment se chauffer à l’oeil avec un ordinateur

Un centre données de Google, en Caroline du Sud, aux Etats-Unis.
Un centre données de Google, en Caroline du Sud, aux Etats-Unis.
GOOGLE

Par Claire Arsenault
Chacun en a fait l’expérience, un ordinateur, ça chauffe. La preuve, même votre petit ordi personnel est doté d’un ventilateur pour lui éviter une fatale surchauffe. La chaleur ainsi produite est perdue alors qu’on pourrait la récupérer et l’utiliser pour chauffer nos maisons et nos bureaux. C’est ce que s’est dit Paul Benoît, le jeune patron de Qarnot computing qui se fait fort de récupérer cette chaleur pour la transformer en chauffage gratuit.

Ce sont des monstres tapis dans des entrepôts anonymes protégés comme des banques suisses. Les data centers, véritables usines concentrant des dizaines de milliers d'ordinateurs et engloutissant une énergie colossale pour alimenter et refroidir les processeurs sont le cœur et le cerveau de nos sociétés informatisées. Une panne et tout s’arrête. Et l’ennemi numéro un de ces unités de calcul, c’est justement la chaleur qu’ils produisent.
Des supercalculateurs au chauffage domestique

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Voraces en énergie, une seule de ces usines numériques peut consommer autant d’énergie qu’une ville de 100 000 habitants ; on estime ainsi que Google à lui seul consomme 1 % de l’électricité des Etats-Unis et les 250 data centers installés en France en absorbent 7 %. De plus, leurs exploitants dépensent des fortunes en climatisation pour éviter le coup de chaud funeste. Ce refroidissement peut ainsi engloutir jusqu’à 80 % du coût de gestion de ces centres de calcul.

Toute cette énergie dispersée en vain a donné des idées à Paul Benoît. Cet ingénieur X-Télécom qui a d’abord travaillé en recherche et développement au sein d’une grande banque où il s’occupait des supercalculateurs, crée sa petite entreprise en 2010 et dépose ses premiers brevets. Qarnot computing, ainsi baptisé en hommage au mathématicien français Sadi Carnot, est lancé. Ce « mordu de machines », comme aime à se décrire Paul Benoît, imagine alors un système qui capterait la chaleur des ordinateurs pour alimenter des radiateurs que tout un chacun pourrait installer chez lui : le Q.rad est né.

En vrai passionné, il « bidouille » d’abord de son côté, avant de passer à la vitesse supérieure en s’associant avec 4MTec, dont les bureaux ont été les premiers expérimentateurs de ces drôles de radiateurs qui diffusent une chaleur douce. A priori, rien ne distingue ces appareils de chauffage des autres : leur secret réside dans la présence, derrière les éléments, de cartes mères qui remplacent les résistances électriques.

Chauffage 2.0

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Cet appareil de chauffage 2.0, doté d’une forte puissance informatique, est connecté à une simple prise internet et à une prise électrique chez l’utilisateur. Les calculateurs intégrés font leur travail auprès des entreprises clientes de Qarnot à qui ils fournissent des données qui leur reviennent trois fois moins cher que via un data center. En même temps, ils apportent leur chaleur modulable chez celui qui abrite les radiateurs « connectés ». Interrogé sur la sécurité, Paul Benoît précise qu’« il n’y pas de risques concernant les données traitées, puisqu’il n’y aucun stockage de celles-ci dans les radiateurs ».

Ce sont les entreprises de cinéma d’animation, les banques, les assurances puis la recherche scientifique qui sont les premières intéressées par l’offre de Qarnot. De l’autre côté, les potentiels utilisateurs du chauffage sont pléthores. La totale gratuité de l’offre pour l’« hébergeur », puisque Qarnot remboursera les factures d’électricité, est de fait un argument de poids au moment où la précarité énergétique se répand. En France, par exemple, plus de 8 millions de personnes ont des difficultés à payer leur facture de gaz, d’électricité ou de fioul.


Economique et souple
Après Télécom Paristech qui abrite déjà 25 Q.rad, on passe cette année à l’échelle supérieure avec 300 radiateurs qui seront installés dans une centaine de logements sociaux à Paris. D’ici deux ans, Paul Benoît a toutes les raisons d’espérer que les hébergeurs de ses Q.rad se compteront par milliers. Sa nouvelle carrière de « chauffagiste » ne peut que prendre de l’ampleur alors que les fermes à serveurs, si gourmandes en énergie, ne suffisent pas à répondre aux besoins exponentiels de calcul de données des entreprises comme des chercheurs.
Comme toutes les bonnes idées, celle-ci semble si évidente qu’on se demande comment personne n’y a pensé avant. En réalité, il existe quelques réalisations destinées à transformer la chaleur résiduelle des centres de traitement informatique de données en chauffage. Mais à la différence de ce que propose Qarnot computing, ces procédés passent par des circuits d’eau chaude, bien plus lourds à installer et limités dans leur périmètre d’action.
Le concept porté par Paul Benoît a ainsi une longueur d’avance par se souplesse et sa facilité de mise en œuvre. De plus, en faisant réaliser des économies d’énergie, donc d’argent, il arrive à point nommé à un moment où les tarifs d’électricité et de gaz connaissent des hausses jamais vues.
tags: Commerce et Echanges - Energies - France - Informatique

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