La théorie de la
connaissance, ou philosophie
de la connaissance, parfois assimilée à l'épistémologie, est
la partie de la philosophie qui étudie la nature,
les origines, les contenus, les moyens et les limites de la connaissance, en
particulier de la connaissance humaine. Une grande partie des travaux qui
relèvent de cette discipline sont consacrés à l'analyse de la connaissance,
c'est-à-dire à la détermination de ses conditions nécessaires et suffisantes.
Il s'agit plus précisément d'établir quelles relations entretient la
connaissance avec la croyance et
la vérité, et quelles
procédures de justification permettent de
distinguer une simple croyance vraie (qui peut l'être par accident) d'une
véritable connaissance.
Une partie de cet article porte sur
la théorie analytique de la connaissance,
discipline philosophique qui s'est pour l'essentiel développée dans le monde
anglophone1. Le monde
germanique, de par l'apport anglo-saxon a repris les résultats analytique pour
les réunir dans une théorie globalisante. Le passage est très distinct de Locke, Berkeley, Hume à Kant pour l'analytique. Fichte opère
le renversement avec sa "Doctrine de la science"
imposant ainsi le départ d'une conception qui ne se veut pas seulement analytique
mais unifiante. Ceci sera beaucoup développé par Schelling et Hegel.
Sommaire |
Diversité des théories de la connaissance[modifier]
Les théories de la connaissance
sont aussi nombreuses que les philosophes qui se sont penchés sur la question.
On peut commencer par les distinguer selon les différentes conceptions de
l'origine de la connaissance, et de la nature de la connaissance.
Origine de la connaissance[modifier]
Le philosophe empiriste (cf. John Locke, David Hume) place
l'expérience sensible à l'origine de l'acquisition de la connaissance. Pour sa
part, le rationaliste (cf. René Descartes, Karl Popper, Jules Vuillemin)
la fait reposer sur l'exercice de la raison. Se manifeste aussi une ré-union ou
synthèse du sensible (Percept)
et de la raison (Concept) chez des auteurs comme Rudolf Steiner (dans sa "Philosophie
de la liberté"), Schelling. Réunir les deux éléments serait à
la fois l'origine et l'acte même de"connaître"rendu
effectif par "le
penser".
Par exemple, l'idéaliste verra le monde des
idées comme l'élément premier de toutes choses alors que le spiritualiste lui rétorquera
"non, le monde des idées provient de la source première qui est le
Divin". Quant au réaliste - devant ces propos
qui lui seront insignifiants - il se contentera tout simplement de ce qu'il a
devant les yeux (aspect sensoriel).
Théorie classique de la connaissance[modifier]
Croyance vraie justifiée[modifier]
La théorie classique repose sur
l'idée que la connaissance est une croyance vraie et justifiée2, et non
seulement une croyance vraie.
Cette clause supplémentaire permet
d'exclure du domaine de la connaissance les cas dans lesquels notre croyance
est vraie, mais où nous ne sommes pas en mesure d'expliquer pourquoi elle est
vraie. Un individu peut ainsi croire que la terre tourne autour du soleil
(proposition p) par simple ouï dire, sans être capable de l'expliquer. La
proposition p est vraie, mais l'individu en question ne sait pas que la terre tourne
autour du soleil. Cela reste une croyance.
La justification de la croyance est
donc l'élément crucial de cette analyse traditionnelle de la connaissance, et
de nombreuses théories contemporaines cherchent à en déterminer précisément la
nature et les modalités ; la théorie de la justification est l'une des
principales branches de la théorie de la connaissance.
Le terme de
« connaissance » a longtemps désigné, en philosophie, des croyances
dont la vérité est justifiée de manière certaine.
Toute croyance présentant un moindre degré de justification constitue à ce
compte une « opinion probable » (ou connaissance par provision). Ce
point de vue prévaut encore dans l'œuvre de Bertrand Russell (notamment dans les Problèmes de
Philosophie, 1912). Au cours des décennies qui suivirent, l'idée selon
laquelle le degré de justification des croyances doit s'évaluer en termes de certitude a
perdu en influence.
Le problème de Gettier et les analyses contemporaines de la
connaissance[modifier]
Dans son célèbre article de 1963 intitulé
« Is Justified True Belief Knowledge? », Edmund Gettier affirme qu'il existe
des situations dans lesquelles une croyance peut être à la fois vraie et
justifiée, et ne constitue pas pour autant une connaissance. Plus exactement,
la thèse de Gettier consiste à dire que l'analyse traditionnelle énonce les
conditions nécessaires de la connaissance,
mais que ces conditions ne sont pas suffisantes.
Pour mieux apprécier la stratégie de Gettier et les arguments que lui
opposeront ses contradicteurs, il est utile de partir de l'analyse
traditionnelle. D'après celle-ci :
S sait que p si et seulement si
1. p est vrai ;
2. S croit que p ; et
3. la
croyance de S dans p est justifiée.
L'attaque de Gettier repose sur
deux prémisses, consistantes avec l'analyse traditionnelle. Première
prémisse : il est possible qu'une croyance justifiée soit fausse. (En
d'autres termes, il est possible d'avoir de bonnes raisons de croire dans la
vérité de p et que p soit fausse.) Seconde
prémisse : si S est justifié à croire
que p et que p implique q, et si S déduit q de p et accepte q comme un résultat,
alors S est justifié à croire
que q. À partir de
ces prémisses, Gettier construit deux exemples qui manifestent l'insuffisance
de la définition traditionnelle. Il suffira d'évoquer le premier.
Smith et Jones se portent candidats
pour le même poste. Smith a d'excellentes raisons de croire que la candidature
de Jones sera retenue, et il sait par ailleurs que Jones a dix pièces de
monnaie dans sa poche. Soit p :
« Jones sera embauché et il a dix pièces dans sa poche ». On voit que
deux des trois conditions traditionnelles sont déjà remplies : Smith croit
que p, et il est
justifié à croire que p.
Considérons maintenant la proposition q :
« Celui qui sera embauché a dix pièces dans sa poche ». Il est clair
que p implique q ; si on
suppose que Smith déduit q de p, alors (par
la seconde prémisse) Smith croit que q et cette croyance est
justifiée.
Maintenant, il se trouve que,
contrairement à la prédiction de Smith, c'est Smith, et non Jones, qui obtient
le poste. Bien qu'elle soit justifiée, p est donc fausse (cas
admis par la première prémisse). Mais il se trouve que Smith, à son insu, a
dix pièces de monnaie dans sa poche ; q est donc vraie. Au
total, Smith croit queq, il est justifié à croire que q (par inférence à
partir de p),
et q, à l'insu de
Smith, est vraie. Nous sommes donc dans un cas de croyance vraie justifiée qui
n'est pas pour autant un cas de connaissance : Smith nesait pas que q est vraie.
Réponses à Gettier[modifier]
Depuis la publication de l'article
de Gettier (dans la revue Analysis,
vol. 23, 1963, pp. 121-123) un très grand nombre d'auteurs ont tenté de
parvenir à une analyse de la connaissance qui puisse exclure a priori de tels
exemples. Les deux stratégies les plus couramment employées consistent :
a) à modifier la clause de justification retenue par Gettier, jugée trop
faible ; b) ou bien à conserver la clause de justification traditionnelle
mais en y ajoutant une autre, censée garantir l'ensemble de l'analyse contre
les exemples de type Gettier. La solution proposée par Robert Nozick relève de la première
stratégie : la clause de justification traditionnelle est remplacée par
deux conditionnelles fixant la relation entre la croyance de S et la vérité du
contenu de sa croyance. Selon Nozick, S sait que p si et seulement
si :
1. p est vraie
2. S croit que p
3. si p est fausse, S ne croira pas que p.
4. si p est vraie, S croira que p.
Simon Blackburn a critiqué cette
formulation, arguant que nous ne devrions pas admettre au rang de connaissances
des croyances qui, bien qu'elles « suivent la vérité à la trace »
(conformément aux exigences de Nozick), ne sont pas soutenues par des raisons
appropriées. En effet, il semble possible d'imaginer des scénarios dans
lesquels la croyance de S est étroitement
corrélée à la vérité ou à la fausseté de p,
et où S est tout à fait
incapable de rendre compte de sa croyance, c'est-à-dire d'avancer des éléments
de justification. En d'autres termes, la croyance vraie ne sera véritablement
justifiée que si S sait pourquoi elle
est vraie. Nous retrouverons plus loin cette idée selon laquelle une croyance
n'est justifiée que si le sujet dispose d'un accès épistémique à la base de
justification : c'est la thèse fondamentale des théories internalistes de la justification.
Les théories externalistes de la justification
(dont Nozick nous offre ici un premier exemple) affirment au contraire que la
base de justification de nos croyances ne nous est pas nécessairement
accessible ; il se peut que nos croyances ne soient pas justifiées par
d'autres croyances, mais par des mécanismes fiables les reliant aux
modifications de notre environnement.
Dans une autre réponse, Richard Kirkham explique que
l'impossibilité de parvenir à une analyse de la connaissance qui soit
parfaitement à l'abri des contre-exemples de Gettier tient au fait que seule la
définition de la connaissance en vigueur depuis l'Antiquité jusqu'à Russell est véritablement
satisfaisante : pour être une connaissance, une croyance ne doit pas
seulement être vraie et justifiée, mais sa base de justification doit encore rendre nécessaire
sa vérité. Cette contrainte constitue un critère extrêmement exigeant (si
nous le retenons, la plupart de nos « connaissances empiriques » n'en
sont plus), mais Kirkham remarque que des standards de connaissance très hauts
n'empêchent pas d'intégrer l'ensemble de nos savoirs « faibles » à la
catégorie des « croyances raisonnables ».
Si on opte pour la seconde stratégie (ajouter une
quatrième clause aux trois traditionnelles), une des possibilités consiste à
exiger que la justification de la croyance soit « invaincue » (undefeated).
Cette nouvelle théorie, due en particulier à Keith Lehrer et
à Thomas D. Paxson Jr., ne vaut pas pour toute
connaissance en général, mais seulement pour celles que ces auteurs appellent
« non basiques » (nonbasic). La distinction des connaissances
« basiques » et « non basiques » vise le contenu de la base
de justification : si S sait que p et que la base de justification de sa
croyance ne comporte pas d'autres croyances, alors sa connaissance sera dite
« basique ». Cette description correspond en particulier aux
connaissances perceptives non inférentielles du type : « je perçois
une douleur dans ma cuisse gauche ». On voit bien que cette connaissance
ne repose pas sur une autre croyance, mais dérive uniquement du contenu de mon
expérience. Selon Lehhrer et Paxson, la définition traditionnelle de la
connaissance rend suffisamment compte des connaissances de ce type. En
revanche, si S sait que p est vrai et qu'une autre proposition q entre dans la base de justification de
cette croyance, alors sa connaissance sera dite « non
basique » : il s'agit ici des connaissances dites
« inférentielles », c'est-à-dire des connaissances qui dépendent
logiquement de la vérité d'autres croyances, plus ou moins nombreuses. Dans le
cas des connaissances non basiques, une quatrième clause est requise pour que
l'analyse soit à l'abri des contre-exemples : la croyance vraie et
justifiée doit en outre être « invaincue » (undefeated). En
d'autres termes, si S sait que p et que la base de justification de p comporte q, il ne doit y avoir aucune
autre proposition r qui soit vraie et qui invalide
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