Le manque d'eau peut être physique (zones arides) ou économique (insuffisance d'infrastructures). Crédits photo : © STRINGER Mexico / Reuters/REUTERS
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INFOGRAPHIE - Du fait de la croissance démographique, la demande mondiale
pourrait doubler d'ici à 2050. D'autre part, l'industrie des pays émergents va
devenir plus gourmande.
• INFOGRAPHIE - Accès à l'eau: de la réalité physique à l'enjeu économique
• Comment rendre les plantes résistantes à la sécheresse
• Les diarrhées transmises par l'eau tuent 1,5 million d'enfants chaque année
• Comment rendre les plantes résistantes à la sécheresse
• Les diarrhées transmises par l'eau tuent 1,5 million d'enfants chaque année
Les précipitations continentales (pluie, neige) sont le patrimoine d'eau
douce de l'humanité. Mais ce capital, évalué à 110.000 milliards de mètres
cubes par an (Mds m3/an), est inégalement réparti. Les régions arides, qui en
reçoivent peu, sont soumises à un stress hydrique permanent. On parle alors de
pénurie physique. Mais le manque d'eau a aussi une origine économique. C'est le
cas dans de nombreuses régions, pourtant bien arrosées, où l'insuffisance des
infrastructures hydrauliques engendre la pénurie. Résultat: en 2012, un Terrien
sur sept n'a pas accès à une eau potable de qualité.
À l'échelle globale, 64 % des précipitations sont reprises par
évapotranspiration**: 57 % dans les forêts, prairies, zones humides et
seulement 7 % sur les terres cultivées. Les 36 % restants alimentent
les écoulements: rivières et nappes souterraines dans lesquelles l'irrigation,
pratiquée sur 300 millions d'hectares (Mha), représente la majeure partie
des prélèvements (70 % soit 2800 Mds m3/an). Les villes, les
industries et l'hydroélectricité utilisent le reste (1200 Mds m3). Plus
de 60 % de ces écoulements sont partagés par 150 pays sur plus de 500
fleuves et aquifères transfrontaliers. La communauté internationale n'a pu
encore s'entendre sur les principes universels d'utilisation de ces ressources
et de prévention des conflits: la convention adoptée à cet effet par les
Nations unies en 1997 n'est toujours pas en vigueur.
Les quantités d'eau consommées par l'agriculture pluviale (non irriguée) et
irriguée pour la production des besoins alimentaires de l'humanité représentent
95 % de notre demande en eau totale, le reste est utilisé par l'eau
potable et les industries. De nombreux pays ne produisent pas toute leur
alimentation et en importent une part, pour certains très importante, sous
forme d'eau virtuelle (quantité d'eau mobilisée pour produire les aliments).
Les flux atteints par cette eau virtuelle (1600 Mds m3/an) traduisent la
mondialisation des ressources en eau. Les pays fortement dépendants n'en
éprouvent pas de stress particulier s'ils ont un pouvoir économique suffisant.
En revanche, et pour réduire leur facture alimentaire, les moins riches doivent
nécessairement optimiser ces flux en développant des capacités locales de
production et de stockage de produits alimentaires jugés stratégiques.
Des réformes radicales
Du fait de la croissance démographique, la demande alimentaire mondiale
pourrait doubler d'ici à 2050. Or les ressources en eau sont déjà fortement entamées
par l'irrigation avec de forts impacts sur l'environnement: surexploitation des
eaux souterraines (20 millions de puits en Inde!), salinisation des sols
(20 Mha affectés), artificialisation des rivières et fragilisation des
zones humides, dégradation de la qualité de l'eau. Pour ne rien arranger, le
réchauffement climatique devrait exacerber la situation.
Comment, dans ces conditions, continuer à subvenir aux besoins croissants
de l'irrigation qui permet de produire 40 % de l'alimentation mondiale sur
seulement 20 % des terres cultivables? Les prélèvements d'eau et les
superficies irriguées devraient en conséquence croître fortement, en
particulier dans les pays qui souffrent déjà de stress hydrique. Sans
changement majeur, ce sera difficile. Des réformes radicales vont devoir être
mises en œuvre: irrigation localisée, plantes économes en eau, tarification
juste, adhésion des agriculteurs. L'objectif est de produire plus avec moins
d'eau, tout en préservant les écosystèmes.
De son côté, l'agriculture pluviale s'étend sur 1300 Mha. Elle
représente à l'échelle mondiale 80 % des surfaces cultivées (90 % à
95 % au Maghreb et en Afrique subsaharienne) et produit 60 % des
aliments de la planète. Dans certaines régions d'Europe et d'Amérique du Nord,
il est possible de développer des cultures pluviales à haut rendement. Mais
dans de nombreux pays arides, les rendements agricoles subissent des variations
dramatiques dues aux aléas climatiques. Dans ces situations, il faut renforcer
les capacités traditionnelles d'adaptation à la sécheresse: cultures en
terrasses, banquettes anti-érosives, zones d'épandage de crues pour
l'irrigation et la recharge des nappes, variétés résistantes à la sécheresse.
L'industrie est le secteur d'activité dont la demande en eau est appelée à
s'accroître le plus en raison de l'équipement des pays émergents. Pour
satisfaire tous ces nouveaux besoins, il faudra développer des ressources
alternatives. Actuellement, le recyclage concerne 7 Mds m3/an, soit
4 % des eaux usées urbaines collectées et traitées, offrant une
perspective intéressante, notamment en agriculture. Le dessalement des eaux
saumâtres et de l'eau de mer produit 8 Mds m3/an, ce qui représente
0,2 % de l'eau douce consommée dans le monde. Les coûts de production
devenant compétitifs, cette ressource pourrait doubler d'ici à 2020, même si
son coût énergétique et son impact écologique (rejets de saumures) demeurent
élevés.
L'eau potable pour
tous
Autre sujet crucial: l'alimentation des villes en eau potable a toujours
été une priorité absolue. Si le monde était à 70 % rural en 1950, il sera
à 70 % urbain en 2050.
L'explosion démographique urbaine qui s'annonce dans les
pays en développement fait craindre de nouvelles pénuries: les villes y
compteront plus de 5 milliards d'habitants en 2050. Il faudra donc
chercher l'eau toujours plus loin et recourir davantage au dessalement, quitte
à augmenter la facture de l'eau pour des collectivités parfois dépourvues des
moyens nécessaires. Le devoir de coopération internationale est ici primordial,
faute de quoi la généreuse résolution 64/292 des Nations unies de juillet 2010
reconnaissant le droit à l'eau potable pour tous resterait lettre morte.
*À écouter sur Canal Académie http://www.academie-sciences.fr/) dans l'émission «Quelle gestion
de l'eau en Tunisie, au Sénégal et au Burkina Faso?» avec
Doudou Ba et Vincent Dabilgou.
**Transfert du sol vers l'atmosphère par évaporation et transpiration
des plantes.
Comment rendre les
plantes résistantes à la sécheresse
La vie et l'eau sont indissociables, tant chez les animaux que chez les
végétaux. C'est d'ailleurs tard au cours de l'évolution que certains organismes
aquatiques sont parvenus à affronter la terre ferme.
Chez les animaux terrestres, le système circulatoire fermé est une
réminiscence de ce milieu aquatique originel. Par opposition, l'eau transite
chez les plantes qui l'absorbent par leurs racines et l'éliminent par
évaporation au niveau de leurs feuilles, créant ainsi un système ouvert. Cette
évaporation est le résultat d'un rejet d'eau sous forme gazeuse par de
microscopiques orifices foliaires: les stomates. La circulation ascendante, des
racines jusqu'au sommet des tiges, résulte d'une poussée racinaire et surtout
d'une aspiration par le feuillage qui constitue une véritable pompe. Les
plantes, fixées par leurs racines, sont assujetties aux variations du milieu,
notamment la déshydratation. En période estivale, ce stress peut se traduire
par la fanaison.
Le phénomène de
reviviscence
Les végétaux ont élaboré deux grandes stratégies pour ne pas succomber au
manque d'eau. La première consiste à former des graines, structures
déshydratées adaptées à surmonter des conditions hostiles, comme c'est le cas
en hiver sous nos latitudes. Lorsque les conditions redeviennent favorables,
les graines germent et le cycle de la vie redémarre. Le second mode se
rencontre chez des végétaux comme les mousses ou les lichens capables de se
dessécher et de se réhydrater. Ce phénomène de reviviscence s'observe chez les
plantes dites de la «résurrection».
Les plantes à fleurs ont le plus souvent recours à d'autres mécanismes
adaptatifs. C'est ainsi que certaines espèces perdent leurs feuilles pendant la
saison sèche et stockent l'eau dans leurs tiges ou leurs organes souterrains.
D'autres réduisent leurs feuilles sous forme d'épines (cactées) quand d'autres
les protègent par des poils formant un manchon d'air protecteur au niveau de
leurs stomates, ces derniers se fermant le jour pour limiter les pertes d'eau.
Au sein d'une même espèce, certains individus résistent aux stress
hydriques répétés quand d'autres disparaissent. À l'échelle de l'évolution
biologique (quelques centaines de milliers à quelques millions d'années), ces
stress génèrent des mutations qui confèrent à la plante la capacité de résister
au manque d'eau. Un enjeu agronomique majeur consiste donc à identifier ces
gènes mutés afin de les introduire dans des variétés cultivées pour les rendre
tolérantes ou résistantes à la sécheresse. Sous nos climats, les céréales de
printemps et de nombreuses variétés cultivées n'ont pas trop à souffrir de ce
stress. A contrario, les espèces qui fleurissent en été, comme le maïs, ou
celles qui poussent sous des climats arides nécessitent soit des variétés
adaptées soit de l'irrigation.
Stress hydrique
Blé, riz et maïs représentent 60 % de l'alimentation mondiale. Des
recherches ont abouti à la création de maïs transgéniques plus résistants à la
sécheresse et cultivés dans certains pays, comme l'Afrique du Sud. D'autres
voies de sélection plus conventionnelles, avec recherche systématique des
nombreux gènes impliqués dans la résistance au stress hydrique existent, mais
sont plus lentes à mettre en œuvre car beaucoup plus complexes. Les enjeux sont
importants et les stratégies envisagées pour trouver des solutions
économiquement et socialement satisfaisantes sont encore sujettes à polémique,
notamment en Europe où les sécheresses ne constituent pas, sauf certaines
années, un problème majeur. Il reste que l'agriculture consomme beaucoup d'eau
et qu'importer ou exporter des matières premières agricoles revient à échanger
de l'eau «virtuelle»!
Les diarrhées transmises
par l'eau tuent 1,5 million d'enfants chaque année
L'eau, l'assainissement et l'hygiène sont les fondements oubliés de la
santé. Alors que près de 80 % de la population mondiale a désormais accès
à l'eau, 40 % de cette population (soit 2,6 milliards d'individus)
est dépourvue de structures sanitaires de base. La défécation en plein air est
encore pratiquée par 20 % des êtres humains et 300 millions de tonnes
d'excréments polluent chaque année rivières, mers et lacs.
Cet état dramatique a un impact important sur la santé humaine: plus de 20
maladies sont transmissibles par l'eau, au premier rang desquelles les
diarrhées qui sont l'une des principales causes de la mortalité infantile avant
5 ans (1,5 million de morts par an, soit 5000 par jour!), les hépatites
A et E, les salmonelloses, sans oublier le choléra dont les épidémies
ressurgissent régulièrement.
Cette situation n'est pas le seul apanage des pays en développement. En
Europe (notamment l'Est et le Sud), 120 millions de personnes n'ont pas
accès à des équipements sanitaires de base. Dans la seule région
méditerranéenne, 47 millions d'individus sont dépourvus de structures
d'hygiène dont 25 % des foyers ruraux. Résultat: les diarrhées et les
maladies transmises par l'eau y sont responsables de 12 % de la mortalité
infantile, soit 14.000 décès annuels.
Outre les impacts directs sur la santé auxquels s'ajoutent les risques liés
aux polluants organiques et aux micropolluants, les impacts socio-économiques
ou sur l'éducation (absentéisme scolaire, en particulier chez les filles) font
que les stratégies d'assainissement sont l'une des toutes premières priorités
du développement (priorité 7 des objectifs du millénaire). Elles dépendent
aussi bien d'une volonté politique ferme que de budgets appropriés et
parfaitement supportables. Elles reposent enfin sur une triade indissociable:
qualité des ressources en eau, équipements sanitaires (notamment en milieu
rural et en milieu scolaire), éducation continue à l'hygiène *.
* Une récente conférence internationale, organisée par le Groupe
interacadémique pour le développement (GID) de l'Académie des sciences à Rabat:
Parmenides 4 «Eau et assainissement »: enjeux et risques sanitaires en
Méditerranée a permis l'élaboration des recommandations essentielles (gid. org).
Par Mustapha Besbes
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