Pourquoi se contenter de l'injonction
"pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop salé ou trop sucré",
alors qu'il faudrait à l'évidence ajouter "évitez aussi de vous
asseoir" ? Il est en effet dangereux de rester l'arrière-train sur une
chaise. Toutes les études s'accordent sur le sujet.
Celle menée
par les chercheurs de l'université de Sydney entre 2006 et 2010
concluant que plus une personne s'assoit, plus elle a de chances de
mourir tôt, et que les personnes assises plus de 11 heures par jour ont
40 % de risque en plus de mourir dans les trois ans que celles qui se
sont assises moins de 4 heures par jour. Tout comme celle de l'American
Cancer Society démontrant que les personnes assises plus de 6 heures par
jour ont un taux de mortalité supérieur de 20 % pour les hommes, et de
40 % pour les femmes, à celui des salariés qui y passent moins de 3
heures.
Bref, rester assis tue tout autant que la cigarette ou
l'alcool. Et ce, que l'on passe ses soirées à regarder la télévision, ou
qu'on les passe dans un club de sport. Car l'exercice ne change rien à
la bombe à retardement qui s'enclenche dès que l'on s'assoit, avec
l'arrêt immédiat de l'activité électrique des muscles des jambes, la
diminution, après une heure, de 90 % des enzymes brûlant les graisses
qui se déposent alors dans les vaisseaux, et le ralentissement, après
deux heures, de la métabolisation du glucose, diminuant ainsi de 20 % le
niveau de bon cholestérol... Un coup à regarder les chaises et les
fauteuils sous un tout autre jour !
Mais que faire si le sport,
dont on nous rabâche les bienfaits à tout propos, ne constitue en rien
l'antidote à une position que nous adoptons entre 50 % et 70 % de nos
journées ? Il semble que la seule et unique solution consiste à réduire
le temps que nous passons en position assise. Drastiquement. Car nous
gagnerions deux ans d'espérance de vie en le limitant à 3 heures par
jour. De quoi y réfléchir à deux fois.
Deux ans d'espérance de vie gagnés !
Pourtant ce constat, établi dans le monde entier, et relayé par des journaux comme Le Figaro, L'Express, le Wall Street Journal, ou le New York Times,
a bien du mal à passer dans les moeurs. Et il a conduit à des réactions
bien différentes en France, où l'on dispense quelques recommandations
de bon sens, et aux États-Unis, où il a donné naissance à un nouveau
marché. D'où ce panaché de solutions franco-américaines, des plus
simples aux plus compliquées :
- Restreignez votre temps en
position assise dès que vous sortez du bureau, où il est bien difficile
de rester assis moins de 8 heures par jour, en limitant par exemple
votre temps quotidien de télévision à moins de 2 heures, ce qui vous
procurera un gain d'espérance de vie de 1,38 an.
- Au bureau,
dégourdissez-vous les jambes toutes les 10 minutes, ou une minute toutes
les heures, ce qui diminuera de 20 % votre risque cardiovasculaire. Il
est en effet avéré que pour contrer l'immobilité, source de tous les
dangers, tous les mouvements comptent, même les plus mineurs, comme le
fait de lacer ses chaussures. Au point que ces petits mouvements font
désormais l'objet d'études très sérieuses de la part des chercheurs
américains qui les ont baptisés NEAT, abréviation de Non-Exercise
Activity Thermogenesis.
- Renouez avec la tradition des employés
de bureau du XIXe siècle, lorsque comptables et clercs de notaire
auraient jugé impensable de s'asseoir, et organisez vos réunions debout,
ce qui aura l'avantage de les faire durer moins longtemps.
-
Ou, plus radical encore, prévalez-vous de l'exemple de Léonard de Vinci,
Winston Churchill, Vladimir Nabokov, et plus récemment de Philip Roth,
pour demander un "standing desk" à votre employeur. Ces bureaux
ajustables ou surélevés, qui sont même parfois combinés à un tapis de
course pour faire un petit footing en travaillant, ont en effet commencé
à fleurir dans la Silicon Valley. Ils y ont été lancés par des
entreprises comme Apple, Google, ou Facebook, qui, conscientes de leur
responsabilité dans la tendance à l'allongement du temps passé assis
devant des écrans, ont promu le travail debout. D'où ce nouveau marché,
dominé par Steelcase, au chiffre d'affaires d'environ 40 millions de
dollars, qui a ouvert la voie à nombre de PME, comme ErgoDesktop,
TrekDesk, ou Focal Upright Furniture, commercialisant des bureaux dont
les prix varient de 260 à 4 000 dollars.
Alors "Debout ! Les damnés de la terre ?" L'Internationale
aurait-elle vu juste ?